Entrée au pays des Shadoks

A Comodoro Rivadavia, je m'installe chez la sympathique famille Martínez-Pouza, qui héberge déjà Ludivine et Camille par Couchsurfing.
Au programme de ces jours : repos et bien sûr réparation de la bici. Pour cette dernière activité, le choix de réparateurs est restreint mais bon il m'en faut juste un, non?

Des précipitations torrentielles ont provoquée des glissements de terrain et coulées de terre quelques jours avant. Comme pour la tempête de sable de Viedma la cause en est le rasage systématique de la végétation dans les environs.
Comodoro Rivadavia se présente donc comme une charmante ville boueuse de 150 000 habitants au milieu des champs de pétrole (y compris off-shore)dont elle assure la gestion et le raffinement...
...Un gâteau au chocolat et c'est reparti...


25-28 février, pompons pour San Julian
Direction Caleta Olivia, sous le soleil et suivant un beau parcours. Arrivée dans l'après-midi.
Je reste en extase devant ce chef-d'oeuvre d'inspiration réalisme-socialiste, comme quoi on peut avoir du pétrole ET des idées...
Bref, un autre royaume de l'or noir où les borgnes doivent avoir une pompe dans l'oeil.
A la sortie de Caleta, les loups de mer prennent le soleil sur la grève : pas de bras + corps cylindrique + absence d'activités bicyclettale= bronzage homogène. La nature est vraiment bien faite.









Bon, pompons car ce vent de trois-quart face n'est pas prévu. J'arrête à Fitz Roy où je me fait un gros restau en prévision de l'étape du lendemain jusqu'à Tres Cerros à 130km de là.

Le vent a tourné et je file aux milieux des guanacos (genre de lama) et des ñandus (genre d'autruche miniature) qui sont très impressionnés (et qui m'encouragent...).

Comme il 14h quand je déboule à Tres Cerros je décide de continuer après avoir recharger l'eau et des empanadas. A 18h et un peu plus de 200km, je plante la tente un peu à l'écart de la route et je profite du superbe coucher de soleil.

Dimanche 28, j'ai raté la messe mais j'ai quand même était pas trop mal inspiré de poursuivre car je prends désormais le vent dans le nez. 75km pour San Julian où je me suis promis un ou deux jours de pause.
Rude. Pourquoi faut-il que cela se termine avec une montée assassine? Un genre de mauvais scénario : le méchant qu'on croyait avoir tué revient dans une ultime inspiration criminelle... Rhhaaa prends ça ! je lui tronçonne la tête avec le petit plateau! Happy end en début d'après-midi et installation dans le très accueillant camping de San Julian, emplacements spacieux bien coupés du vent et le couple qui s'en occupe est vraiment prévenant. Le tout pour 5 pesos par jour, que demander de plus...




Là je rencontre James, un Brésilien de Portal do Sol, Paraná. Il est parti de chez lui en vélo en janvier pour suivre toute la côte atlantique jusqu'à Ushuaia. Il est arrivé la veille et souhaite repartir dés le lendemain. Ses élèves de l'école de musique où il enseigne la guitare l'attendent déjà, donc il ne veut pas trop traîner. Néanmoins il propose d'attendre une journée de plus pour que l'on trace ensemble vers Rio Gallegos. "Fechado".


Lundi 1er mars, relâche.
Séquence de tourisme avec James pour la visite des îles de la baie de San Julian, pinguins, oiseaux et dauphins noir et blanc.



Toute cette souriante faune se fiche bien de la base de la Force Aérienne Argentine qui est campée à quelques encâblures (pffiouu cette transition). Celle-ci a vu décoller les Mirages qui partaient aux Malouines et aujourd'hui figure sur la balade côtière celui qui fut charger de la première mission de reconnaissance au-dessus de ces îles (bon pour le concours des rond-points). Toujours autant de passions pour ce champ de mines au milieu des eaux froides et osons même dire un brin d'hystérie. Nombre d'Argentins vous diront qu'ils sont toujours "en guerre" contre les Anglais. Je me rappelle maintenant avoir vu à Comodoro Rivadavia des graffitis "dehors les Anglais", signés par les Jeunes Communistes... Des marxistes affichant des prétentions nationalistes et territorialistes, en concordance avec les actions d'une dictature militaire d'extrême droite... Si ça c'est pas de la dialectique qui casse des briques?...

Et pourquoi tant de violences alors qu'on est si bien au soleil... derrière la vitre, à côté du feu. C'est la première fois que je ressens vraiment le froid, mais j'exagère un peu, c'est seulement le soir et le matin. Polaire, ciré et gants : vive l'été...


En selle pour Rio Gallegos,
Mardi 2 mars. J'ai rendez-vous à 8h avec James (RDV à la brésilienne), donc je quitte San Julian devant lui. Au passage je croise cette curiosité locale, une cascade d'eau de mer, le marnage étant assez important et couvrant un plateau avant de se retirer quelques mètres plus bas. Une jolie étape jusqu'à Piedra Buena avec un joli relief. Le vent fait des siennes (comme d'hab'). Le passage du Rio Chico et la bouffée de végétation qu'il apporte est particulièrement réjouissant dans ce paysage aride.
Arrivée sur Piedra Buena en fin d'après-midi, une petite ville de garnison qui porte le nom de son fondateur, dont le principal loisir est la pêche et qui offre à voir un certain nombre de facades en bas-reliefs colorés sur l'histoire des natifs ou des premiers colons. Pas de nouvelles de James.
Je le retrouve le mercredi matin. Nous prenons deux jours pour rallier Rio Gallegos. Je tente désespèrément de prendre des guanacos en photos mais ceux-ci sont toujours effrayés par les vélos. Ils le sont beaucoup moins par les voitures et les camions, résultat, des dizaines de carcasses croisées sur l'accotement. Stupide animal.
Nous faisons relâche à Rio Gallegos, mais chacun de notre côté comme nous nous sommes perdus de vue en route. Elle rivalise Comodoro Rivadavia par son manque de charme, mais je crois finalement qu'elle l'emporte.
Samedi 6 mars. La météo s'annonce favorable pour rallier Rio Grande en traversant le Chili et les 110km de ripio (route de terre). Un jour de 150km pour Cerro Sombrero, le village qui borde la partie sans asphalte. Je passe le détroit de Magallanes à son niveau le plus étroit, appelé Primera Angostura. Cerro Sombrero (Chili) est un bourg totalement créé et géré par l'entreprise nationale de pétrole, l'ENAP.
Dimanche. A l'attaque du ripio. Tranquillement pour soulager la bici, la remorque et le chargement. La vitesse reste la même que cela monte ou descende. En haut d'une côte, Juan, un travailleur de la route m'offre son sandwich et le café. Cela passe finalement plutôt bien et je campe avant la frontière le soir.
Lundi 6 mars, je me retrouve de nouveau en Argentine. Je rencontre Isla et Peter d'Ecosse et Nouvelle-Zélande qui sont descendus par la careterra austral au Chili et la ruta 40. Tous en route pour Rio Grande. Bien servis par le vent, nous couvrons les 80 derniers km en 2h30. De la mobilette.
Tout le monde a prévu une pause d'une journée avant la partie finale, normalement en deux jours, d'abord jusqu'à Tolhuin, puis Ushuaia. Je campe dans le jardin de l'hostel Argentino.
Mardi 9 mars. Visite du musée municipal, qui présente une collection hétéroclite sur la navigations, l'Aéropostale, les Malouines (c'est un TOC), les natifs et les colonisateurs.
Les Selknams ont fait l'objet d'un génocide parfait. A la fin du XIXe les colons, principalement Britanniques ont commencé à clôturer la Terre de Feu où ils vivaient pour leurs élevages. L'arrachage de ces délimitations et la prise de quelques vaches servit de prétexte pour le massacre des indigènes. L'armée Argentine aida même ces courageux aventuriers : fusils contre arcs et flèches, c'est ce qui s'appelle avoir le sens du défi.
A la sortie, je retourne consulter la météo. Oups, si cela s'annonce bon pour le lendemain, cela risque d'être compliqué le surlendemain aux abords d'Ushuaia : vent contraire fort, pluie et même de la neige pour les parties hautes... Je commence à envisager de ne pas m'arrêter à Tolhuin pour faire le maximum le premier jour. Au dîner les ouvriers qui logent à l'hôtel regardent mon assiette incrédules : "-Tu vas pas manger tout ça? T'es tout maigre!"