Entrée au pays des Shadoks

A Comodoro Rivadavia, je m'installe chez la sympathique famille Martínez-Pouza, qui héberge déjà Ludivine et Camille par Couchsurfing.
Au programme de ces jours : repos et bien sûr réparation de la bici. Pour cette dernière activité, le choix de réparateurs est restreint mais bon il m'en faut juste un, non?

Des précipitations torrentielles ont provoquée des glissements de terrain et coulées de terre quelques jours avant. Comme pour la tempête de sable de Viedma la cause en est le rasage systématique de la végétation dans les environs.
Comodoro Rivadavia se présente donc comme une charmante ville boueuse de 150 000 habitants au milieu des champs de pétrole (y compris off-shore)dont elle assure la gestion et le raffinement...
...Un gâteau au chocolat et c'est reparti...


25-28 février, pompons pour San Julian
Direction Caleta Olivia, sous le soleil et suivant un beau parcours. Arrivée dans l'après-midi.
Je reste en extase devant ce chef-d'oeuvre d'inspiration réalisme-socialiste, comme quoi on peut avoir du pétrole ET des idées...
Bref, un autre royaume de l'or noir où les borgnes doivent avoir une pompe dans l'oeil.
A la sortie de Caleta, les loups de mer prennent le soleil sur la grève : pas de bras + corps cylindrique + absence d'activités bicyclettale= bronzage homogène. La nature est vraiment bien faite.









Bon, pompons car ce vent de trois-quart face n'est pas prévu. J'arrête à Fitz Roy où je me fait un gros restau en prévision de l'étape du lendemain jusqu'à Tres Cerros à 130km de là.

Le vent a tourné et je file aux milieux des guanacos (genre de lama) et des ñandus (genre d'autruche miniature) qui sont très impressionnés (et qui m'encouragent...).

Comme il 14h quand je déboule à Tres Cerros je décide de continuer après avoir recharger l'eau et des empanadas. A 18h et un peu plus de 200km, je plante la tente un peu à l'écart de la route et je profite du superbe coucher de soleil.

Dimanche 28, j'ai raté la messe mais j'ai quand même était pas trop mal inspiré de poursuivre car je prends désormais le vent dans le nez. 75km pour San Julian où je me suis promis un ou deux jours de pause.
Rude. Pourquoi faut-il que cela se termine avec une montée assassine? Un genre de mauvais scénario : le méchant qu'on croyait avoir tué revient dans une ultime inspiration criminelle... Rhhaaa prends ça ! je lui tronçonne la tête avec le petit plateau! Happy end en début d'après-midi et installation dans le très accueillant camping de San Julian, emplacements spacieux bien coupés du vent et le couple qui s'en occupe est vraiment prévenant. Le tout pour 5 pesos par jour, que demander de plus...




Là je rencontre James, un Brésilien de Portal do Sol, Paraná. Il est parti de chez lui en vélo en janvier pour suivre toute la côte atlantique jusqu'à Ushuaia. Il est arrivé la veille et souhaite repartir dés le lendemain. Ses élèves de l'école de musique où il enseigne la guitare l'attendent déjà, donc il ne veut pas trop traîner. Néanmoins il propose d'attendre une journée de plus pour que l'on trace ensemble vers Rio Gallegos. "Fechado".


Lundi 1er mars, relâche.
Séquence de tourisme avec James pour la visite des îles de la baie de San Julian, pinguins, oiseaux et dauphins noir et blanc.



Toute cette souriante faune se fiche bien de la base de la Force Aérienne Argentine qui est campée à quelques encâblures (pffiouu cette transition). Celle-ci a vu décoller les Mirages qui partaient aux Malouines et aujourd'hui figure sur la balade côtière celui qui fut charger de la première mission de reconnaissance au-dessus de ces îles (bon pour le concours des rond-points). Toujours autant de passions pour ce champ de mines au milieu des eaux froides et osons même dire un brin d'hystérie. Nombre d'Argentins vous diront qu'ils sont toujours "en guerre" contre les Anglais. Je me rappelle maintenant avoir vu à Comodoro Rivadavia des graffitis "dehors les Anglais", signés par les Jeunes Communistes... Des marxistes affichant des prétentions nationalistes et territorialistes, en concordance avec les actions d'une dictature militaire d'extrême droite... Si ça c'est pas de la dialectique qui casse des briques?...

Et pourquoi tant de violences alors qu'on est si bien au soleil... derrière la vitre, à côté du feu. C'est la première fois que je ressens vraiment le froid, mais j'exagère un peu, c'est seulement le soir et le matin. Polaire, ciré et gants : vive l'été...


En selle pour Rio Gallegos,
Mardi 2 mars. J'ai rendez-vous à 8h avec James (RDV à la brésilienne), donc je quitte San Julian devant lui. Au passage je croise cette curiosité locale, une cascade d'eau de mer, le marnage étant assez important et couvrant un plateau avant de se retirer quelques mètres plus bas. Une jolie étape jusqu'à Piedra Buena avec un joli relief. Le vent fait des siennes (comme d'hab'). Le passage du Rio Chico et la bouffée de végétation qu'il apporte est particulièrement réjouissant dans ce paysage aride.
Arrivée sur Piedra Buena en fin d'après-midi, une petite ville de garnison qui porte le nom de son fondateur, dont le principal loisir est la pêche et qui offre à voir un certain nombre de facades en bas-reliefs colorés sur l'histoire des natifs ou des premiers colons. Pas de nouvelles de James.
Je le retrouve le mercredi matin. Nous prenons deux jours pour rallier Rio Gallegos. Je tente désespèrément de prendre des guanacos en photos mais ceux-ci sont toujours effrayés par les vélos. Ils le sont beaucoup moins par les voitures et les camions, résultat, des dizaines de carcasses croisées sur l'accotement. Stupide animal.
Nous faisons relâche à Rio Gallegos, mais chacun de notre côté comme nous nous sommes perdus de vue en route. Elle rivalise Comodoro Rivadavia par son manque de charme, mais je crois finalement qu'elle l'emporte.
Samedi 6 mars. La météo s'annonce favorable pour rallier Rio Grande en traversant le Chili et les 110km de ripio (route de terre). Un jour de 150km pour Cerro Sombrero, le village qui borde la partie sans asphalte. Je passe le détroit de Magallanes à son niveau le plus étroit, appelé Primera Angostura. Cerro Sombrero (Chili) est un bourg totalement créé et géré par l'entreprise nationale de pétrole, l'ENAP.
Dimanche. A l'attaque du ripio. Tranquillement pour soulager la bici, la remorque et le chargement. La vitesse reste la même que cela monte ou descende. En haut d'une côte, Juan, un travailleur de la route m'offre son sandwich et le café. Cela passe finalement plutôt bien et je campe avant la frontière le soir.
Lundi 6 mars, je me retrouve de nouveau en Argentine. Je rencontre Isla et Peter d'Ecosse et Nouvelle-Zélande qui sont descendus par la careterra austral au Chili et la ruta 40. Tous en route pour Rio Grande. Bien servis par le vent, nous couvrons les 80 derniers km en 2h30. De la mobilette.
Tout le monde a prévu une pause d'une journée avant la partie finale, normalement en deux jours, d'abord jusqu'à Tolhuin, puis Ushuaia. Je campe dans le jardin de l'hostel Argentino.
Mardi 9 mars. Visite du musée municipal, qui présente une collection hétéroclite sur la navigations, l'Aéropostale, les Malouines (c'est un TOC), les natifs et les colonisateurs.
Les Selknams ont fait l'objet d'un génocide parfait. A la fin du XIXe les colons, principalement Britanniques ont commencé à clôturer la Terre de Feu où ils vivaient pour leurs élevages. L'arrachage de ces délimitations et la prise de quelques vaches servit de prétexte pour le massacre des indigènes. L'armée Argentine aida même ces courageux aventuriers : fusils contre arcs et flèches, c'est ce qui s'appelle avoir le sens du défi.
A la sortie, je retourne consulter la météo. Oups, si cela s'annonce bon pour le lendemain, cela risque d'être compliqué le surlendemain aux abords d'Ushuaia : vent contraire fort, pluie et même de la neige pour les parties hautes... Je commence à envisager de ne pas m'arrêter à Tolhuin pour faire le maximum le premier jour. Au dîner les ouvriers qui logent à l'hôtel regardent mon assiette incrédules : "-Tu vas pas manger tout ça? T'es tout maigre!"

Au cas où Chubut, je perds les pédales

Mercredi 17 février, attaque du Chubut à la Blitz-cyclette
J'attends ce jour comme la revanche de samedi dernier car il est prévu un vent de NNE de 30km/h...
Malédiction! Du lit j'entends la pluie qui martèle le toit. Je finis par me lever, mets mon ciré pour aller au petit-déjeuner. De la salle où l'on serpille l'eau qui passe sous les portes, je vois le sombre horizon annonçant une suite d'averses et... pas de vent.
Puerto Madryn est à 80km.
Je me décide à partir dans une accalmie. Une heure après, c'est la trombe.
Au fait de rouler sous la pluie s'ajoutent les paquets que je prends à chaque passage de camion, autant dire souvent.
Puis ça s'éclaircit. Et le vent promit finit par arriver. Nouvel espoir de rallier directement Trelew. J'arrive même sec à la station service qui précède Madryn ; restauration et c'est reparti pour les 60km restants, il 14h.
A côté de la route, il y a un élargissement en cours pour faire une quatre-voies. Hehehe : 7m d'asphalte tout neuf pour moi tout seul avec le vent qui pousse, et qui pousse bien -sûrement Hermès est allé botter les fesses d'Eole pour qu'il se corrige un peu.
Je boucle les 60km en 2h! 30km/h de moyenne sur ce tronçon qui finit dans une longue descente au milieu de la vallée du Rio Chubut dans laquelle s'est édifiée Trelew.
Le camping est fermé et le plus proche est à 15km à l'est. Je m'installe dans un hostel près du centre et décide de faire un jour de pause dans cette ville pas désagréable.


Jeudi 18 février, le vélosaure avait-il de grandes dents à son pignon?
"Paie tes ratiches, c'est m'sieur Colguète qu'aurait fait fortune"
Je profite de ce temps libre pour un moment d'instruction au musée paléontologique.
La géomorphologie locale, les mouvements de terrain et le climat semblent propices à la conservation et la recherche de fossiles végétaux ou animaux et de squelettes de dinosaures. Le Chubut est donc un spot classique pour tout paléontologue qui veut un os à ronger. Et puis tu peux casser tous les cailloux que tu veux et creuser autant de trous, avant de déranger les voisins, il va se passer un moment.
Bon, difficile de retenir toutes les explications scientifiques, je suis plutôt fasciné par l'aspect esthétique et monstrueux de ces bestioles d'outre-temps. Certain petits volatiles me rappellent ceux des Caprices de Goya -cette fois en blanc sur fond noir et non l'inverse.
Au passage je remarque que plus les dents sont longues, plus la boîte crânienne est petite... En tout cas plus petite que les oeufs. Quand je pense qu'il m'en faut trois pour faire un gâteau au chocolat... J'imagine la cuisine paléontologique : "Oh les gars! v'nez m'aider à mettre le plat dans le four! Faîtes attention à ne pas tomber dedans! Ho hisse! et hop, 48h de cuisson..."
Un autre aspect amusant est la géopolitique appliquée à la paléontologie. Où l'on apprend que "le roi des géants", l'argentinosaure (rien que ça) est le plus lourd de tous les êtres ayant vécu sur la planète et surtout il est précisé qu'il met facilement KO l'ultrasaure (rien que ça aussi) d'Amérique du nord... Toute une poésie. Et peu après ce dessin :
Qu'est-ce qui se passe? Ils ont une défense de mammouth contre quelqu'un? En tout cas, quand on me demande si je viens des Etats-Unis, je m'empresse de répondre que non...
Bon un dernier petit exercice pour les méninges : celui qui me sort ce nom sans se tromper au saut du lit gagne 10 milliard de cure-dents faits avec un orteil d'argentinosaure.











Vendredi 19 février, j'chauffe? Chubut!
Allez au boulot!
Je sors de Trelew à 8h30. Comme la ville est au fond de la vallée, en arrivant c'était le bonheur. Mais maintenant, il faut sortir... Donc ça monte, et c'est long.
Des virages - au moins ça change- entre des collines -ça change aussi- sèches -ça ça ne change pas. Désolé pour la culture, mais cela me rappelle surtout Bip Bip et Coyote. C'est quand même fort de faire toute une série avec deux personnages évoluant toujours dans le même décors... Quant aux dialogues...
-"Bip-bip!" Ça c'est un camion qui veut que je dégage sur la banquina.
Enfin le plateau -après deux ou trois faux-espoirs- et... le vent bien sûr! Au sud-ouest, donc là où il ne faut pas.
Comme j'ai l'intention de faire les 400km qui me séparent de Comodoro Rivadavia en quatre jours, je me suis promis d'y aller tranquille et de m'arrêter régulièrement toute les heure et demie. Ce n'est pas trop difficile à respecter car côté genoux, ça commence à tirailler féroce.
Ne reste plus qu'à trouver les bons coins à pause. Se protéger du vent? Ne pas y penser. Du soleil? Ouf, un panneau!
En fin de journée le vent se renforce en tournant au sud -grr- mais j'arrive à Uzcudun, poste de combustible à 132km de Trelew, à 19h, heure à laquelle je pensais m'arrêter de toute façon.
Je campe à 50m de la station, dans un champ de pierres et d'éclats de verre. Et pas moyen de se laver.


Samedi 20 février, est-ce que j'déraille ou bien...
Courte étape prévue d'environ 60km jusqu'à Garayalde, autre hameau avec station service.
Pas de vent, tout file pour le mieux...mais à une dizaine de km du but, j'entends la chaîne qui frotte sur le changeur de plateau et je sens du jeu dans le pédalier. Je pense qu'il faut juste resserrer au niveau des pédales et j'attends la fin de la côte dans laquelle je suis.
Je m'arrête à 50m derrière un camion dont le chauffeur est au bord de la route. Carlos a cassé sa transmission et doit attendre là quatre jours qu'on lui apporte la pièce. Comme je n'ai pas de clés à douille, je lui emprunte, mais le problème est en fait plus compliqué. C'est le filetage derrière qui est rongé mais il faut un outil spécial pour retirer les plateaux qui gênent l'accès.
Après diverses tentatives, Carlos parvient à bloquer le pédalier avec un bout de fil de fer. Le système D Argentin m'explique-t-il et ça marche. Je l'abandonne donc sur son bord de route et arrive à Garayalde.
Un coin de terre à peu près confortable pour la tente -seulement une crotte de chien et un oiseau mort- et un peu de temps devant moi pour une sieste. Toujours pas de douche, mais là il faut vraiment que j'élimine deux jours de sueur, donc je profite de quelques rayons de soleil pour un lavage à la bouteille. Je me frotte donc les fesses juste vêtu de mon caleçon de cycliste au milieu des clients de la station, je doute qu'on m'adresse la parole aujourd'hui mais au moins je serai bien dans mon duvet.


Dimanche 21 février, p'têt que je perds les pédales...
Petit matin dans la brume. Tous les voyageurs et les routiers qui se sont arrêtés pour la nuit se réveillent peu à peu et chacun se prépare à poursuivre sa route. Je roule ma tente trempée et je me lance moi-même sur le bitume. Je regarde le menu du jour sur mon cahier : vent du nord, hehehe bueno. Donc le programme est le suivant, il y a 180km jusqu'à Comodoro Rivadavia à faire en deux jours, donc je roule un maximum aujourd'hui pour ne pas trop souffrir demain quand le vent va tourner.
Le ventilo qui pousse, juste ce qu'il faut de soleil, un vrai bonheur. Une heure passe, je suis sur la base de 20-25km/h. Je pourrai envisager de tracer direct jusqu'à Comodoro.

Et puis je sens petit à petit comme une souplesse dans la pédale. Il suffit de s'arrêter pour resserrer le fil de fer. Ça casse. Mais Carlos m'a donné de la réserve. Donc on continue. 5km plus loin, de nouveau les plateaux dansent et la chaîne frotte des deux côtés du changeur. Nouvel arrêt, nouveau fil. Ça se complique car il semble que le pas de vis de l'autre côté soit également rongé. Bon, peut-être avec un deuxième fil de fer? 2km, "frtrfrtrfrt", ok je resserre. 1km "frtfrt". Bon je ne m'arrête pas mais je garde de la tension sur le changeur de plateau pour limiter les frottements. Une crampe de pouce plus tard, nouveau stop. Cette fois je mets directement de la tension dans le câble. Ah mais zut, j'peux plus être sur le troisième plateau, je ne vais quand même pas me traîner sur le deuxième plateau avec le vent dans le dos? frtrftrrft, je resserre le fil. 1km, ça se balance encore, fil cassé, nouvel essai. 3km, ça se gondole de plus en plus. Crrccrrrccrrrcrcrrrr..."Pffffffff, fais chier, putaiiiiiiiiin..." Les ambitions sont revues à la baisse. Aiaiaie, il faut que je fasse plus de la moitié aujourd'hui quand même car une chose est sûre : l'état de la bici ne s'arrangera pas tout seul durant la nuit et ce qui est galère maintenant avec le vent favorable deviendra un enfer demain avec le vent contraire. frtrfrtfrtfrtfr. Aaarglll, je vais devenir fou.
Bon une décision radicale après deux heures de tentatives merdouilleuses, les pédales ondulent à souhait mais je pense qu'elles atteignent leur jeu maximal, donc je dégage le changeur de plateau, je mets la chaîne sur le troisième et je roule jusqu'à Comodoro Rivadavia sur une seule vitesse.
Chaque fois que je regarde mes pieds, j'ai l'impression que ça va me rester dans les mains... Il suffit de regarder bien devant et de ne pas penser. Ça n'avance pas si mal, je refais même mon retard et à 16h il reste environ 80km. J'envisage donc de nouveau de boucler dans la soirée.

Et puis surprise, après quelques derniers efforts, une longue descente de plus de 20km pour arriver aux abords de Comodoro Rivadavia. C'est toujours agréable d'avoir du plaisir!

Pour ne pas en rajouter, j'ancre dans le premier camping que je croise. J'ai contacté la famille Martinez Pouza par couchsurfing, mais en précisant une arrivée lundi ; et puis je suis complétement cramé. Donc dodo...



Mes pires ennemis et le réconfort à Sierra Grande



Samedi 13 février, enfoiré d'Eole,
Je sors de San Antonio Oeste à 8h30 pour affronter la pire journée depuis le début, 130km. Je sais que le vent sera de face mais normalement pas trop fort. Et puis j'ai dit à Juan Ignacio que j'arriverai samedi soir chez ses parents à Sierra Grande, donc je bouge.
A la sortie de la ville je croise le plus impressionnant site dédié au Gauchito Gil. Il s'agit d'un saint/héros populaire vénéré dans toute l'Argentine et l'on rencontre régulièrement des autels au bord de la route pour le célébrer et lui faire des offrandes. Il a toujours les même attributs vestimentaires et est entouré de banières rouges. Sa légende est basée sur la vie d'un gaucho ayant vécu dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Parti en guerre contre le Paraguay puis déserteur, les versions varient sur les raisons de son conflit avec les autorités de la province de Corrientes, entre une romance interdite et des actions de Robin des Bois. Il finit pendu ou pendu par les pieds et la gorge tranchée. Avant d'être exécuté, il prédit à son bourreau que son fils mourra de fièvre. Quand il revient chez lui, son fils est déjà malade. Il retourne donc au lieu du meurtre pour donner une sépulture honorable au gaucho, prie pour son intervention, et finalement son fils guérit. La sépulture de Gil est un lieu de pélerinage très fréquenté à Mercedes.
"Punaise, c'est un peu violent quand même."
Je me refais le film de mes consultations météorologiques, je crois que j'ai pris la vitesse en noeuds pour des km/h. Galèèèèèèèèèrrreeeee...
A cela s'ajoute une certaine agressivité que je n'avais jusque là pas rencontrée. Certains me rasent les fesses quand il y a toute la place pour doubler, coup de klaxon en prime. Nan c'est vraiment pas le jour, "Arrrrgl, tu l'vois çuila connard!?"
Aucun répit, pas un arbre, toutes les pauses dans le vent sous le soleil... J'épuise tout mon stock d'eau et de grignotage. 30km avant Sierra Grande, cela devient horrible et les 10 derniers km sont pires encore : une suite de côtes et de faux-plats interminables (avec effet d'accélération du vent).
"Si j'avais su, j'aurai pas v'nu."
Je finis par arriver à Sierra Grande au salon de coiffure des parents de Juan Ignacio, Raquel et Braulio. Ils ne m'attendaient aujourd'hui, comme prévu, pensant que j'aurai renoncé à quitter San Antonio en attendant un vent plus calme.


Dimanche 14 à mardi 16, relâche,
Pourquoi autant de violence alors qu'on peut être si bien au chaud devant un bon repas.

L'accueil de Braulio et Raquel est excepcionnel, comme la cuisine : brioche maison, gnocchi de même, parrilla etc... Je passe trois jours comme en famille.
Un ensemble de mornes un peu hirsutes et plutôt secs constituent le décor de Sierra Grande, une ville de 10 000 habitants où la plupart des rues sont en terre. Elle doit son existence à la présence de fer dans la sierra et son exploitation depuis une cinquantaine d'année. La mine reste la principale ressource, même après une réduction de l'activité à la fin des année 80.

La nouvelle opportunité de développement de la commune se situe à 30km, au bord de la mer. Playas Doradas, le nom du site, reçoit de plus en plus de touristes chaque année et l'on y assiste à une frénésie de construction de résidences secondaires. Il n'y a vraisemblablement pas de charte ou de normes et cela va du chalet à la maison en brique en passant par le cube de béton ou l'imitation de petit château. Quant au rivage, c'est une longue plage de près de 10km ; une faible pente et la mer qui se retire au loin ; cela me rappelle les plages de la Manche.
Malheureusement, il y a un vent glacial du sud-est et c'est donc la balade en ciré en plein coeur de l'été -comme quoi c'est vraiment comme la Manche.
A l'extrémité de la plage, le terminal d'embarquement pour le fer.
Encore une demi-journée, le temps de faire l'inévitable tour à la bicicleteria pour voir les vitesses et un passage à la menuiserie pour récupérer le bois nécessaire à la nouvelle corbeille du salon de coiffure de la famille Barua.

Dernier bon repas de Raquel et je repars le mardi soir pour Arroyo Verde à 55km de là. Il est plus de 18h quand je pars et je fais la fin du parcours de nuit pour arriver à un resto-hospedaje où il reste un coin pour dormir, sol en béton et porte en tôle.


Viedma dans la tourmente et le train-train patagonien

Mardi 9 février, et soudain plus rien...

Ici peu d'options, le camping municipal ou des chambres qui commencent à 80 pesos...
J'opte donc pour le camping, pas cher mais pas vraiment engageant. Pas un brin d'herbe, tout n'est que poussière. Enfin chacun a son banc et son barbecue en béton.
Installation, douche froide et je repars en ville.
Viedma est la capitale de la province Rio Negro et constitue une agglomération de 50000 habitants avec Carmen de Patagones.
Essentiellement moderne et administrative, son principale charme est la promenade arborée qui borde le Rio Negro.
Je suis en recherche des sardines qui me manquent pour la tente. Et je me pose déjà la question de comment repartir pour San Antonio à 180km de là, sachant qu'il n'y a rien entre les deux, pas même un coin pour faire de l'eau. Cela signifie donc qu'il faut tout emmener pour deux grosses journées, la nourriture et surtout l'eau, au bas mot 15 kilos supplémentaires. Au niveau vent demain sera la seule journée avec l'opportunité de vent favorable, mais j'arrive après quatre jours sans m'arrêter dont deux bonnes journée.


...Alors que j'en suis à mes tergiversations (bus, pédalage, bus, pédalage...), la tormenta de polvo s'abat sur Viedma.

Il ne s'agit plus seulement d'un peu de poussière mais d'un véritable brouillard qui coupe la lumière du soleil. La ville est plongée dans une lumière grise-orangée. L'atmosphère chargée pique les yeux et gêne la respiration lors des fortes rafales. Je me réfugie dans un cyber et attends que cela passe. Je perds donc du temps pour faire éventuellement des courses pour le lendemain et me reposer.

Quand l'ambiance se fait plus respirable, je vais au terminal de bus demander le prix pour San Antonio Oeste. 20 pesos le billet + 80 pour la bici + une inconnue pour la remorque qu'il faut que j'amène le lendemain. Enfin cela fait déjà cher donc je continue de tergiverser. Quand je rentre au camping, le gardien m'informe que le train pour Bariloche s'arrête à SAO.

Je découvre également ma tente remplie de poussière, rentrée par les moustiquaires. L'unique avantage de la tente MONOplace, c'est vite nettoyé.


Mercredi 10 et jeudi 11,

A la gare. 55 pesos en tout et pour tout pour SAO. Il suffit juste d'attendre vendredi 18h, et d'en profiter pour écrire la suite du blog.

Dans le camping je croise un Espagnol qui parcourt l'Amérique du Sud depuis vingt ans avec son vélo. Métallo, il transporte avec lui ses 80kg de matériel, roulant en moyenne à 7km/h.

Les campeurs ici se partage entre les touristes, seulement de passage un jour ou deux et des semi-permanents sur la route en famille et faisant de la récup' de carton ou vendant bracelets et colliers. La situation économique de l'Argentine depuis 2001 a fait augmenter le nombre de nomades. j'en avais croisé déjà pas mal au Brésil.




Vendredi 12
Mes voisins kayakistes me recommandent de visiter Carmen de Patagones, je décide donc de faire un peu de tourisme.
Un petit bricolage quand même avant de sortir pour repasser le porte-bagages derrière avec collier en plastique d'un côté. Une esthétique toute personnelle...

Carmen de Patagones est sur l'autre rive. Elle a gardé ses maisons d'origine et son patrimoine historique, contrairement à sa voisine. Pas non plus de quoi faire le voyage.

Puis je me rends dans l'après-midi à la gare pour charger le vélo dans le Tren Patagonico à destination de Bariloche.

Départ à 18h15 et 3h30 pour faire 180km.

A l'arrivée je ne prends pas le temps de chercher un hôtel bon marché car une grosse journée m'attend demain, je prends donc à 70 pesos. Un bon dîner à 23h30 (un horaire normal ici) et une mauvaise nuit.

Cap sur Viedma : de la sueur, du sable et même de la cascade...

Samedi 6 février, journée aïaïaïe,

...Donc comme il est déjà 13h quand je quitte Bahia Blanca, je vise Mayor Buratovitch à 90km. Grand soleil.

Rapidement j'arrive à un barrage routier. Il s'agit en fait d'un contrôle phytosanitaire pour limiter les contaminations et contagions animales et végétales avant d'entrer en Patagonie. Pour ce qui me concerne, je dois manger mes oranges sur place pour ne pas les perdre et je dois suivre une deuxième consigne : "Finir le saucisson avant Pedro Luro!" Quel ordre! enfin cela doit être faisable.

















Gamelle d'inauguration
Ca roule plutôt bien comme je suis au grand largue.
Peut-être est-ce là la cause d'un endormissement passager? Je quitte la route, l'accotement en terre est 10cm plus bas ; puis je remords l'asphalte avec la roue avant qui dérappe... et là, c'est le drame... Bien sûr c'est impossible de se rattraper avec les cales-pieds à courroie. Heureusement pas de voiture derrière. La route est lisse et je glisse dessus protégé par une épaisse couche de crème solaire. Bref juste une légère torsion du poignée mais sans gravité. Côté vélo, le dérailleur s'est fichu dans les rayons, bien tordu...


Crevaison d'inauguration
...Je me remets et décide de faire une pause à la première ombre venue. Elle arrive rapidement et je me presse vers cette promesse de repos... au milieu des rosettas, une plante très basse à laquelle je n'ai pas pris garde et qui est remplie d'épines très coriaces.

"Bon, je mange d'abord et je regarde les pneus ensuite."

Evidemment ça n'a pas raté et il faut changer la chambre arrière. Je m'aperçois donc à l'occasion qu'une pìèce de métal est déformée qui m'empêche de démonter correctement la roue...
Une heure plus tard, je repars bien énervé, et j'arrive finalement à Mayor Buratovitch à 19h, m'arrête à la station GNC et demande pour un magasin de vélo. J'y arrive juste quand le pneu avant finit lui aussi d'être à plat.
Vers 21h je trouve enfin de quoi passer la nuit dans un hospedaje à 40 pesos.


Dimanche 7 février, flemme du dimanche,

Fatigué de la veille, j'ai prévu une étape courte jusqu'à Pedro Luro. Le vent contraire ne m'incite pas à l'effort. A la station Shell, je peux camper. Je vais voir, une étroite bande de terre plutôt dégueu. Je me dirige donc vers le camping du Fortin Mercedes, un ensemble avec basilique, séminaire et camp à barbecue. 20 pesos pour ce qui ressemble plus à un parking qu'un camping, mais je n'ai plus le courage de remonter à la station.



La nuit, le parking se vide de tout le monde qui est venu pique-niquer et je suis tout seul au milieu des meutes de chiens qui se battent pour les restes. Vive la charité, cela m'apprendra à donner des sous à l'Eglise.









Lundi 8 février, du mieux,

Je prends le petit-déjeuner à la Shell, accueil mmmh de la propriétaire ; même pour faire remplir trois bouteilles d'eau du robinet, cela semble compliquer. Bon, fuyons ce bled si chaleureux pour retourner au pédalage. Mon objectif est Stroeder à environ 80km, dernier village avant Viedma à 165 km.


Fort vent de travers. J'ai déjà démonté la veille les fameuses poignées avec support d'avant-bras car trop centrées, la commande du vélo était un peu difficile. Mais même en prise en main normale les sacoches devant ont une grosse prise au vent et gêne la direction... J'ai donc comme un gros doute sur mon super-bricolage-dont-j'étais-trop-fier de Bahia Blanca. "P'tain meeerde, j'aurai mieux fais d'être p'tit rat de l'Opéra".


Donc c'est un peu galère. Mais ça peut être pire et je fais ma première expérience de sablage automatique, "rtrrrtt ppttt ptt".



Sur les bords de la route, des conseils permanents aux conducteurs : "Les jours de vent, visibilité réduite", "Attention en cas de vent, sable sur la chaussée", "Les jours de vent, réduisez votre vitesse", ah ben ça c'est exactement ce que je fais. Si j'ai bien lu, cela veut dire qu'il y a aussi des jours où il n'y a pas de vent, c'est plutôt positif...

Stroeder ouf! "-Ah mais il n'y a rien ici. -Pas même une station quelque part? -Ah si mais il faut ressortir sur la route, c'est 8 km plus loin".
Ce dernier coup de pédale me rince, mais je suis bien reçu. Mon sandwich jambon-fromage, douches propres et un coin de poussière tranquille pour la tente.

Gros plat de pâtes avec du poulet pendant que je regarde les infos. Des images de la région prise dans les tempêtes de poussière que soulève le vent, liées au fait d'une saison particulièrement sèche. Il y a même un bulletin de prévision pour le lendemain avec une grosse zone rouge, "ça mord un peu de notre côté, non?" Je me dis que si il devait y avoir un problème, les proprios de l'établissement me mettraient en garde. Personne n'a l'air de s'inquiéter, très bien.

Enfin une bonne nuit.


Mardi 9 février, Lawrence d'Arabie, Tintin et les Dupontd,

Départ 8h après le petit-déj' café-au-lait-pain-beurre. La proprio me souhaite bonne chance. Moi, pas encore bien réveillé, "-c'est bien, il n'y a pas trop de vent aujourd'hui. -Oh du vent? Y'en a tout le temps... -Ah? bon..." Dix mètres sur la route et vlof! les ventilateurs dans la face! Quel couillon, je n'avais pas saisi qu'on était protégé par la ferme.


Rien d'autre à faire que d'avancer. Ça commence au milieu des champs, donc tant qu'il y a de l'herbe, il n'y a pas trop de sable soulevé.


Un léger relief. Arrivé en haut je vois qu'au loin... on ne voit rien et qu'il va falloir se la rejouer "Tintin au pays de l'or noir" ou Peter O'Toole et Omar Shariff dans Lawrence d'Arabie. J'en profite pour manger mon jambon-fromage avant qu'il ne croque sous la dent et c'est parti. Heureusement il ne reste plus que 20 km jusqu'à Viedma.

C'est long, et le sable est chaud. A un passage un peu plus calme, je décide de faire une pause pour la deuxième partie du sandwich. Sur le bord de la route, je n'ai pas le temps de le sortir. Une jeep avec deux policiers vient se garer devant moi (je l'avais dit c'est "Tintin au pays de l'or noir" avec Dupont et Dupond). Et en fait c'est une jolie policière qui vient à ma rescousse : "-Señor, c'est trop dangereux de circuler sur la route pour vous, on ne voit rien... -Bon ben, vous m'emmener alors?"

Et me voilà à l'arrière du pick-up pour ma plus grosse pointe de vitesse jamais réalisée pour arriver à Viedma quelques minutes plus tard...

Bahia Blanca

Je reste à Bahia Blanca jusqu'au 6 février.
Juani, Alexis et Nico (qui arrive de vacances durant la semaine) sont tous trois chimistes en thèse et originaire de la province de Cordoba.
Comme un roi dans ma chambre, je peux aller et venir à mes affaires à l'aise, parfois accompagné du chien Bati.


Beaucoup d'Argentins que j'ai croisé s'intéressent et discutent de politique (contrairement aux Brésiliens) et je tâche donc de me faire expliquer les affaires en cours.
Comme souvent les Kirchner occupent l'attention. Après le différend entre la Présidente et le directeur de la banque centrale et des déclarations fracassantes sur la virilité apportée par la consommation de viande de porc, la semaine est centrée sur les bénéfices du couple K (ainsi appelés en Argentine) réalisés grâce à la dévaluation du peso par rapport au dollar et l'achat d'un hôtel de luxe à El Calafate.
Mes hôtes m'exposent la difficulté d'avoir des alternatives. L'expérience de la démocratie est récente et le pays paie encore la disparition de toute une génération d'opposition sous la dictature.

En revanche la culture du foot, elle, est bien ancrée (elle s'est même tout à fait accomodée des militaires en 78) et il y a toujours au moins deux chaînes qui diffusent un match à la télé. Comme un esprit omniprésent dans ce monde footballistique : Maradona, parfois "simplement" EL 10... Il ponctuera toujours une conversation de foot soit par ses fonctions de sélectionneur, soit par l'empreinte qu'il a laissé dans le jeu national.
Bref on regarde pas mal de match du championnat : Boca Junior, Riverplate, Estudiantes... Bon je n'ai encore toutes les équipes de la première ligue en tête mais ça finira par rentrer.
Nous nous sommes surtout retrouvés autour des repas, une soirée viande, une soirée pizza, une soirée empanadas, une soirée panchos (hotdog), que du typique argentin.

Mimi La Bricole
Ces quelques jours à Bahia Blanca sont l'objet d'un double jeu de piste.
Pour la tente, je rentre dans le premier atelier de couture que je croise le jour d'arrivée. On me renvoie a un fabricant de tente, lequel m'indique l'adresse d'un tapissier que je ne trouve pas. Je retourne finalement au premier et insiste auprès de la vendeuse, Ana-Clara, pour qu'ils fassent le travail, 3 haubans et 4 points de sardine supplémentaires.
Pour le porte-bagages et les sacs, j'ai normalement l'embarras du choix, la concentration de bicicleterias est impressionnante, y compris des grandes avec du matériel de pointe mais malheureusement peu tournées vers le cyclotourisme.
Je commence donc chez Stortini qui m'adresse à un magasin de camping qui m'envoie à une autre bicicleteria qui m'indique Miconi (plus toutes celles que j'ai croisée par hasard).
Le mercredi 3 chez Miconi. Ils ont les sacs et le porte-bagages de devant. Je rentre donc avec mon vélo pour l'installation. On commence à me regarder de travers genre "c'est quoi ce vélo de m...?"
"-En fait on ne va pas pouvoir mettre le porte-bagages sur votre bici, la fourche n'est pas bonne. Il manque un point d'attache (en effet, il faut un trou supplémentaire).
-On va bien trouver un truc.
-Non, c'est pas possible.
-Bon et ça coûte combien une fourche?
-En fait c'est une ancienne version. On n'a pas ça. Il faudrait changer le cadre."
Le pire, c'est que je crois qu'il est sérieux. Je comprends que je me suis planté de trottoir. Chez Miconi il y a dix modèles de guidons en carbone, donc on ne cherche pas des "trucs"...
Je leur laisse malgré tout des sous (grrr) en emmenant les sacoches qui me semblent de bien meilleure qualité que celles que j'ai et je repars un peu vexé et un peu déçu car cette histoire de faire passer du poids à l'avant me paraît importante.

Après une journée et une nuit de renoncement à ce changement, je me réveille le jeudi matin avec un sursaut d'orgueil : "-Nan mais! ch'uis charpentier ou p'tit rat de l'Opéra?"
Bonne nouvelle pour l'Opéra et le monde de la danse en général, la réponse à cette question est charpentier.
Je passe donc en quincaillerie acheter de la visserie et des colliers à tuyaux de plomberie. Deux coup de scie, un peu de boulonnerie, un peu de peinture pour la protection et l'esthétique et voilà mon porte-bagages de derrière devant. Une solution a 20 pesos!

Vendredi 5, dernière soirée comme je viens de récupérer la tente. Je fais la connaissance de Juan Ignacio, étudiant ingénieur, cycliste et grimpeur. Il me conseille les poignées avec support d'avant-bras pour m'économiser lorsqu'il y a du vent.

"-Vin ou biere?
-Les deux..."
Le réveil du samedi matin est un peu difficile. Juan Ignacio s'est renseigné pour moi et a trouvé les fameuses poignées d'occasion pour 50 pesos au lieu de 200 pesos neuves. Après cet ultime bricolage, il m'accompagne jusqu'a la sortie de Bahia. Il est déjà 13h mais c'est reparti!




A l'attaque! 1ère partie jusqu'à Bahia Blanca

20 janvier, veille de départ,

Voilà, après deux semaines de préparation, je devrai quitter Buenos Aires demain matin à l'aurore. Il ne me reste plus que quelques courses, finaliser le paquetage, rassembler le yin et le yang et d'autres détails du même genre et tout sera "listo" pour faire cap au sud. Tranquillement bien sûr, et je vous dirai si c'est pataphysique d'aller en Pas-trop-gonie.
Pour ce qui est de Buenos Aires, c'est une ville superbe même si je dois admettre que j'en connais surtout les bicicleterias, les magasins de camping, et que j'ai essentiellement nouer contact avec des Brésiliens. L'accueil des Argentins est extraordinaire, toujours prêts à aider et qui prennent le temps pour ça (sans vouloir faire de comparaison avec d'autres capitales). Je comprends à peu près, ils me comprennent à peu près (en portugais, "pois e"), bref on se comprend à peu près.
Pour les amateurs de détails techniques, j'ai rassemblé pour moins de 1000€ un vélo, basique mais j'espère résistant, une petite remorque monoroue, les sacs, les accessoires, des pièces de rechange et de quoi faire le minimum de réparations, une tente monoplace de haute-montagne, un duvet à -25Cº en température extrême et tout le nécessaire de camping...
Ne reste plus qu'à éprouver tout cela sur la route ventée des déserts humides de la froide Patagonie. Je me suis d'ailleurs rappeler hier en essayant le vélo pour la première fois dans la ville que je n'avais pas pédaler depuis plus de deux ans... alors j'ai programmé une première étape tranquille jusqu'à La Plata, ce qui devrait faire une belle ballade de 60 Km en zone urbaine et sub-urbaine. Un genre de bonne bouffée d'air pollué avant de mettre les deux roues dans la pam-plat (en fait j'ai trois roues... sans vouloir frimer...).
L'objectif à court terme est de pédaler une dizaine de jours jusqu'à Bahia Blanca pour la première pause. Enfin, à suivre...



21 janvier, Buenos Aires-La Plata,

Après une ultime bonne soirée tango-resto, je décide d'opter pour la stratégie "je me lève quand je me réveille". Je me gratifie donc d'une grasse matinée jusqu'à 6h du matin, boucle tranquillement en attendant le petit déj', puis aidé par Kin, Stéphanie et René je suis en selle à 10h20 sur l'Avenida 9 de Julio (la plus large du monde paraît-il).

La température dépasse rapidement les 30Cº et le parcours tient ses promesses, voitures, camions, autobus, avec concours du pire pot d'échappement.

Rapidement une pause au milieu de la zone d'activité pour échapper à la chaleur dans l'air conditionné de la cafet' d'une station service. "-De donde sos? -De Francia. -Oh que lindo! -Y hasta donde vas? -Ushuaia. -Nooo...Todo bién? -Si si...-Todo bién? -Sisi... -Todo bién?..."

Puis c'est reparti pour les 40km restants, un cycliste sportif ralentit pour me guider et j'arrive vers 16h30 en ville et un peu après chez Cecilia et Bastian que j'ai contacté par couchsurfing. Je suis rincé et je prévois donc de sécher le lendemain. Donc sortie pizza-glace avec Cecilia, Bastian, Teresa et Pablo.


22 janvier, relâche à La Plata,
La Plata est ville une ville parfaitement carrée où les rues n'ont pas de noms mais des numéros. Capitale de la Province de Buenos Aires (donc sans la capitale fédérale), elle est essentiellement administrative et étudiante.Je profite de la relâche pour faire une première mise au point : je suis trop chargé. Je donne donc la majorité de mes t-shirts en coton, renvoie en France bon nombre de documents, abandonne des livres et surtout mon marteau. Une perte sentimentale mais jesuis pas loin d'avoir économisé 4kg et du volume, surtout qu'il va désormais falloir prévoir la nourriture.
Cecilia finit un post-doc et travaille à l'université en astronomie. Elle dissèque et intérprète les différents clichés d'une même zone stellaire pris par le téléscope Gemini dans les Andes. Je n'aurai malheureusement pas le temps de visiter son lieu de travail. Bastian est Hollandais, travaillait dans l'informatique et a arrêté il y a quelques années pour voyager, en Afrique, au Canada et beaucoup en Amérique du sud. Egalement navigateur, il cherche son bateau en acier.

Soirée complète jeu de carte, bière, caïpirinha, vin, tarte au thon, gâteau au chocolat. Je n'ai plus envie de mettre le réveil.



23 janvier, Pam papapam pampa,

Grosse flemme mais je pars finalement à 12h30, la meilleure heure, en plein cagnard. Dans la rue il y a toujours du monde étonné et amusé de me voir avec mon chargement, "mucha suerte amigo" est ce que j'entends le plus souvent. A la première station où je m'arrête, le responsable me paie tout, sandwich et boisson.
Et enfin je découvre la pampa. La pampa, c'est sympa, mais c'est plat. Et la route est droite.
Je m'arrête de nouveau vers 16h30 dans le premier bourg (Brandsen) pour grignoter. Il faut que je précise que j'ai une alimentation très étudiée à base de sandwiches jambon-fromage.

Comme d'habitude, j'ai du mal à passer pour un Argentin et comme souvent accueil très enthousiaste de mon interlocuteur qui envoie le fiston chercher l'appareil photo, s'assied avec moi pour planifier mon parcours et m'indique un lieu pour camper le soir.

J'arrive au lieu indiqué 1h30 plus tard. Heureusement, l'épicier m'a prévenu "-C'est plutôt rustique". En effet, c'est un bar-épicerie tenu par une famille dans une ancienne station-service aux vitres cassées. Réception du grand-père "-On ne fait pas hôtel." Heureusement les femmes viennent à ma rescousse, "-Mais il a sa tente... installe-toi derrière".

Il était temps, le soleil se couche. Je monte donc pour la première fois ma carpa de haute-montagne monoplace et je prends la mesure de ce que signifie "monoplace". Ce n'est pas "monoplace et demi" ou "virgule deux", c'est MONOplace, même les sacs sont mal-venus. Au même moment, le lieu se transforme en enfer. Des moustiques par centaines, par milliers, comme je n'en n'ai jamais vus, même en Guadeloupe à la saison des pluies. Et comme je sens bon la sueur, je déguste. Bref, j'abrège le problème en vidant tous les sacs pour éparpiller les affaires sur tous les bords et sous le matelas (je dormirai en passant les jambes au milieu de la sacoche de vélo) et je cours pour me laver dans ce qu'il reste des sanitaires avec un filet d'eau.

Je dois renoncer à manger dehors et je me réfugie directement dans la tente.



24-26 janvier, hasta Cachari,
Départ à 10h45, il fait déjà bien chaud. Route toujours aussi droite au milieu des champs aux abords marécageux. Le courage me quitte et je décide de faire escale à San Miguel del Monte. Tous les campings sont pleins, mais j'en dégotte finalement un de l'autre côté du lac qui est l'attraction de cette petite ville. Pêche, scooter des mers et parillas (barbecue).

Le 25 je poursuis jusqu'à Las Flores où je peux camper dans un parc municipal au bord d'un étang. C'est gratuit et gardé la nuit.
Le 26,une courte étape jusqu'à Cachari où une fois encore je dors dans l'espace municipal prévu à cet effet. Ces installations sont très courantes de la part des petites et moyennes communes. Sans doute est-ce à mettre sur le compte d'un sens de l'accueil du voyageur en général. La quasi-totalité des Argentins étant des migrants plus ou moins récents, la situation d'étranger débarquant leur est familière.



27 janvier, de Cachari à Olavarria, Paysages et natures mortes,
J'ai réussi à partir avant 8h et cela change tout, mais le soleil commence à taper dés 8h30. Enfin je prévois de faire ma première journée de plus de 100 km. Ceci me laisse le temps d'apprécier le traffic de la Ruta 3, qui sera ma référence jusqu'au bout, et le paysage toujours aussi plat. Il n'est pas le seul d'ailleurs, la route est semée de natures-mortes qui se signalent par effluves régulier de charogne : serpents, rongeurs et surtout tatous que j'espère bien voir un jour en trois dimensions.


Enfin je finis par arriver à Olavarria. Là encore, un restaurateur, Thiago, fait plus de 100m pour venir me chercher et m'offrir un verre et deux tranches de matambre.


Je m'installe à la sortie de la ville derrière une station service YPF. Dans les toilettes, un panneau avec cette inscription "Ne pas jeter d'herbe dans le lavabo". Pour le maté bien sûr.



28 janvier, de Olavarria à Laprida,

Encore une étape de 110km, mais je suis en selle à 7h et le vent est favorable. J'arrive donc en début d'après-midi pour manger le plus gros sandwich jusque là, dans le centre du village.


Dans l'épicerie arrive Pablo, directeur du tourisme de Laprida qui a repéré le vélo dans la rue. Il prépare mon arrivée au balneario (il m'a également proposer de dormir chez lui), une installation avec piscine, emplacements de pique-nique et de parillas et camping.

On m'attend donc sur place. Je prépare la tente, puis m'aperçois que le pneu arrière est déchiré. Je fais une inversion le temps d'aller en ville pour en trouver un neuf, mais finalement Pablo débarque avec ses filles et m'emmène directement en voiture. Puis nous passons boire une bière à la maison. Professeur d'éducation physique en plus de sa fonction d'élu, Pablo est passionné de vélo et reçois tous les cyclistes de passage. Nous discutons politique et des ravages de la crise de 2001, puis il me ramène au camping.





29 et 30 janvier, de Laprida à Coronel Pringles, Week-end en famille,

Dans la station service où je prends un petit-déjeuner, le journal annonce la journée la plus chaude de l'année.

Curieusement, Laprida, une petite ville plutôt riche qui rassemble les produits agricoles des environs, n'est pas directement sur un axe routier. Je dois donc choisir entre remonter 30km face au vent pour retrouver la route principale ou commencer par la route de terre. Plus court.

Je choisis la deuxième option. Poussière, cailloux et très peu de passage au milieu de nulle part. 4h pour faire 35km. Finalement je rejoins la route, mais le vent tourne, du mauvais côté, et c'est parti pour une interminable fin de parcours. Les 6 L d'eau embarqués sont déjà finis, les vitesses concordent mal et le frein avant frotte sur la jante, ggrrrrr...

Enfin Cnel Pringles!

Comme d'habitude, je m'arrête à un kiosco pour grignoter. Surprise, la vendeuse de l'échoppe sait déjà presque tout de mon voyage, dont elle a eu l'information par la radio... C'est même elle qui m'annonce avec certitude où est-ce que je vais dormir, alors que moi-même n'en savais rien.

Je me dirige donc vers le balneario et croise une femme avec son bébé sur la place centrale, qui m'interpelle. Il s'agit de Ximena et Tobias. Elle m'apprend qu'elle a déjà entendu parlé de mon arrivée... Je finis par comprendre que Pablo a appelé un ami qui travaille au tourisme à Pringles avec le père de Ximena qui s'occupe également de la radio locale. Bref, après m'avoir invité à dîner, elle appelle Adrian, responsable du balneario, qui vient pour me guider et me laisse au passage l'adresse d'une bicicleteria pour mes soucis de freins et de vitesses.
J'arrive au camping, le gardien : -Bah alors? T'as eu des soucis? On t'attendait pour 17h!...

Montage de tente et je ressors manger avec Ximena, Gonzalo son fiancée et leurs amis.

Avec une telle réception, je décide de faire relâche à Pringles.

Samedi, après le déjeuner en famille avec Ximena, Gonzalo et Tobias, ballade dans la ville : 17000 habitants, avec une intéressante et curieuse prédominance d'architecture art-déco.






Un petit tour chez Barbera, le réparateur de vélo (je vais tous les connaître) et un traditionnel couplé tarte au thon-gâteau au chocolat pour finir la soirée (je feignasse pour me renouveler).





Ces moments dans la famille Martel-Chivilo sont extras. Gonzalo a travaillé dans le tourisme et maintenant en informatique ; Ximena enseigne la communication et travaille également à Pringles FM ; Tobias a bientôt deux ans et profite de la vie.











31 janvier, Pringles-Cabildo,
Ce n'est pas le tout mais il faut que j'avance vers Bahia Blanca, où je vais devoir également m'arrêter.
J'y vais comme on va au travail (en plus c'est dimanche). Dernier déjeuner avec mes amis de Pringles, dernière promenade sur la place et je me lance vers 16h, record de traînasserie. C'est que je pense m'arrêter 45km après, là où j'estime qu'il y a une station et de quoi se poser. Finalement lorsque je passe à Frapal, le nom du lieu-dit, tout paraît fermer. Il est 19h mais je décide de continuer. Je poursuis donc jusqu'à Cabildo, 35 km plus loin, au pied des reliefs de la Sierra Ventana, ce qui signifie les premières côtes. Et si c'est dur pour les jambes cela fait plaisir aux yeux.

La nuit tombe quand je suis dans le bourg. Je cherche un lieu pour me poser. Christina, propriétaire d'une petite épicerie m'indique la piscine. Un peu isolée et personne pour se signaler, je reviens sur mes pas. Christina me propose de camper dans le jardin de la famille ou d'appeler un hospedaje. Les beaux-parents me demande si je suis Basque quand il apprennent que je suis Français. Ils sont très nombreux par ici. Finalement, elle me guide jusqu'à une rôtisserie qui propose également des chambres (!). Tout confort et moins cher que le dortoir à Buenos Aires.

Je sors pour manger dans l'unique bar-resto de Cabildo qui rassemble toute les générations. Devant la place, lees jeunes ne font pas des tours de mobylette mais des tours de... cheval. Pantalon large, chemise, bracelet de cuir et béret Basque bien sûr...


1er février, attérissage à Bahia Blanca,
Dernière étape de la première partie. Un peu pénible par la fréquence et pas de banquina pour être tranquille.
J'arrive en début d'après-midi. Je suis en contact avec Juani, de couchsurfing et je vais dormir chez lui et Alexis, son coloc.
En attendant qu'ils rentrent du travail, tous deux sont chimistes en thèse, je me mets en quête de régler mes petits soucis au nombre de deux. D'une part il y a trop de poids sur l'arrière : la remorque+les sacoches du porte-bagage+moi avec un sac à dos=quand je regarde la roue, j'ai mal au boyau pour elle (même si c'est une chambre à air).
D'autre part la tente MONOplace, sensée être de hâûte-montâgne : j'y crois pas. Il manque des points pour les sardines et des haubans. Il y a à peine du vent et le toit vient toucher la première toile, autant dire que j'ai peur de prendre des douches glacées en Patagonie.
Voilà ce sera la mission Bahia Blanca...