Cap sur Viedma : de la sueur, du sable et même de la cascade...

Samedi 6 février, journée aïaïaïe,

...Donc comme il est déjà 13h quand je quitte Bahia Blanca, je vise Mayor Buratovitch à 90km. Grand soleil.

Rapidement j'arrive à un barrage routier. Il s'agit en fait d'un contrôle phytosanitaire pour limiter les contaminations et contagions animales et végétales avant d'entrer en Patagonie. Pour ce qui me concerne, je dois manger mes oranges sur place pour ne pas les perdre et je dois suivre une deuxième consigne : "Finir le saucisson avant Pedro Luro!" Quel ordre! enfin cela doit être faisable.

















Gamelle d'inauguration
Ca roule plutôt bien comme je suis au grand largue.
Peut-être est-ce là la cause d'un endormissement passager? Je quitte la route, l'accotement en terre est 10cm plus bas ; puis je remords l'asphalte avec la roue avant qui dérappe... et là, c'est le drame... Bien sûr c'est impossible de se rattraper avec les cales-pieds à courroie. Heureusement pas de voiture derrière. La route est lisse et je glisse dessus protégé par une épaisse couche de crème solaire. Bref juste une légère torsion du poignée mais sans gravité. Côté vélo, le dérailleur s'est fichu dans les rayons, bien tordu...


Crevaison d'inauguration
...Je me remets et décide de faire une pause à la première ombre venue. Elle arrive rapidement et je me presse vers cette promesse de repos... au milieu des rosettas, une plante très basse à laquelle je n'ai pas pris garde et qui est remplie d'épines très coriaces.

"Bon, je mange d'abord et je regarde les pneus ensuite."

Evidemment ça n'a pas raté et il faut changer la chambre arrière. Je m'aperçois donc à l'occasion qu'une pìèce de métal est déformée qui m'empêche de démonter correctement la roue...
Une heure plus tard, je repars bien énervé, et j'arrive finalement à Mayor Buratovitch à 19h, m'arrête à la station GNC et demande pour un magasin de vélo. J'y arrive juste quand le pneu avant finit lui aussi d'être à plat.
Vers 21h je trouve enfin de quoi passer la nuit dans un hospedaje à 40 pesos.


Dimanche 7 février, flemme du dimanche,

Fatigué de la veille, j'ai prévu une étape courte jusqu'à Pedro Luro. Le vent contraire ne m'incite pas à l'effort. A la station Shell, je peux camper. Je vais voir, une étroite bande de terre plutôt dégueu. Je me dirige donc vers le camping du Fortin Mercedes, un ensemble avec basilique, séminaire et camp à barbecue. 20 pesos pour ce qui ressemble plus à un parking qu'un camping, mais je n'ai plus le courage de remonter à la station.



La nuit, le parking se vide de tout le monde qui est venu pique-niquer et je suis tout seul au milieu des meutes de chiens qui se battent pour les restes. Vive la charité, cela m'apprendra à donner des sous à l'Eglise.









Lundi 8 février, du mieux,

Je prends le petit-déjeuner à la Shell, accueil mmmh de la propriétaire ; même pour faire remplir trois bouteilles d'eau du robinet, cela semble compliquer. Bon, fuyons ce bled si chaleureux pour retourner au pédalage. Mon objectif est Stroeder à environ 80km, dernier village avant Viedma à 165 km.


Fort vent de travers. J'ai déjà démonté la veille les fameuses poignées avec support d'avant-bras car trop centrées, la commande du vélo était un peu difficile. Mais même en prise en main normale les sacoches devant ont une grosse prise au vent et gêne la direction... J'ai donc comme un gros doute sur mon super-bricolage-dont-j'étais-trop-fier de Bahia Blanca. "P'tain meeerde, j'aurai mieux fais d'être p'tit rat de l'Opéra".


Donc c'est un peu galère. Mais ça peut être pire et je fais ma première expérience de sablage automatique, "rtrrrtt ppttt ptt".



Sur les bords de la route, des conseils permanents aux conducteurs : "Les jours de vent, visibilité réduite", "Attention en cas de vent, sable sur la chaussée", "Les jours de vent, réduisez votre vitesse", ah ben ça c'est exactement ce que je fais. Si j'ai bien lu, cela veut dire qu'il y a aussi des jours où il n'y a pas de vent, c'est plutôt positif...

Stroeder ouf! "-Ah mais il n'y a rien ici. -Pas même une station quelque part? -Ah si mais il faut ressortir sur la route, c'est 8 km plus loin".
Ce dernier coup de pédale me rince, mais je suis bien reçu. Mon sandwich jambon-fromage, douches propres et un coin de poussière tranquille pour la tente.

Gros plat de pâtes avec du poulet pendant que je regarde les infos. Des images de la région prise dans les tempêtes de poussière que soulève le vent, liées au fait d'une saison particulièrement sèche. Il y a même un bulletin de prévision pour le lendemain avec une grosse zone rouge, "ça mord un peu de notre côté, non?" Je me dis que si il devait y avoir un problème, les proprios de l'établissement me mettraient en garde. Personne n'a l'air de s'inquiéter, très bien.

Enfin une bonne nuit.


Mardi 9 février, Lawrence d'Arabie, Tintin et les Dupontd,

Départ 8h après le petit-déj' café-au-lait-pain-beurre. La proprio me souhaite bonne chance. Moi, pas encore bien réveillé, "-c'est bien, il n'y a pas trop de vent aujourd'hui. -Oh du vent? Y'en a tout le temps... -Ah? bon..." Dix mètres sur la route et vlof! les ventilateurs dans la face! Quel couillon, je n'avais pas saisi qu'on était protégé par la ferme.


Rien d'autre à faire que d'avancer. Ça commence au milieu des champs, donc tant qu'il y a de l'herbe, il n'y a pas trop de sable soulevé.


Un léger relief. Arrivé en haut je vois qu'au loin... on ne voit rien et qu'il va falloir se la rejouer "Tintin au pays de l'or noir" ou Peter O'Toole et Omar Shariff dans Lawrence d'Arabie. J'en profite pour manger mon jambon-fromage avant qu'il ne croque sous la dent et c'est parti. Heureusement il ne reste plus que 20 km jusqu'à Viedma.

C'est long, et le sable est chaud. A un passage un peu plus calme, je décide de faire une pause pour la deuxième partie du sandwich. Sur le bord de la route, je n'ai pas le temps de le sortir. Une jeep avec deux policiers vient se garer devant moi (je l'avais dit c'est "Tintin au pays de l'or noir" avec Dupont et Dupond). Et en fait c'est une jolie policière qui vient à ma rescousse : "-Señor, c'est trop dangereux de circuler sur la route pour vous, on ne voit rien... -Bon ben, vous m'emmener alors?"

Et me voilà à l'arrière du pick-up pour ma plus grosse pointe de vitesse jamais réalisée pour arriver à Viedma quelques minutes plus tard...

Bahia Blanca

Je reste à Bahia Blanca jusqu'au 6 février.
Juani, Alexis et Nico (qui arrive de vacances durant la semaine) sont tous trois chimistes en thèse et originaire de la province de Cordoba.
Comme un roi dans ma chambre, je peux aller et venir à mes affaires à l'aise, parfois accompagné du chien Bati.


Beaucoup d'Argentins que j'ai croisé s'intéressent et discutent de politique (contrairement aux Brésiliens) et je tâche donc de me faire expliquer les affaires en cours.
Comme souvent les Kirchner occupent l'attention. Après le différend entre la Présidente et le directeur de la banque centrale et des déclarations fracassantes sur la virilité apportée par la consommation de viande de porc, la semaine est centrée sur les bénéfices du couple K (ainsi appelés en Argentine) réalisés grâce à la dévaluation du peso par rapport au dollar et l'achat d'un hôtel de luxe à El Calafate.
Mes hôtes m'exposent la difficulté d'avoir des alternatives. L'expérience de la démocratie est récente et le pays paie encore la disparition de toute une génération d'opposition sous la dictature.

En revanche la culture du foot, elle, est bien ancrée (elle s'est même tout à fait accomodée des militaires en 78) et il y a toujours au moins deux chaînes qui diffusent un match à la télé. Comme un esprit omniprésent dans ce monde footballistique : Maradona, parfois "simplement" EL 10... Il ponctuera toujours une conversation de foot soit par ses fonctions de sélectionneur, soit par l'empreinte qu'il a laissé dans le jeu national.
Bref on regarde pas mal de match du championnat : Boca Junior, Riverplate, Estudiantes... Bon je n'ai encore toutes les équipes de la première ligue en tête mais ça finira par rentrer.
Nous nous sommes surtout retrouvés autour des repas, une soirée viande, une soirée pizza, une soirée empanadas, une soirée panchos (hotdog), que du typique argentin.

Mimi La Bricole
Ces quelques jours à Bahia Blanca sont l'objet d'un double jeu de piste.
Pour la tente, je rentre dans le premier atelier de couture que je croise le jour d'arrivée. On me renvoie a un fabricant de tente, lequel m'indique l'adresse d'un tapissier que je ne trouve pas. Je retourne finalement au premier et insiste auprès de la vendeuse, Ana-Clara, pour qu'ils fassent le travail, 3 haubans et 4 points de sardine supplémentaires.
Pour le porte-bagages et les sacs, j'ai normalement l'embarras du choix, la concentration de bicicleterias est impressionnante, y compris des grandes avec du matériel de pointe mais malheureusement peu tournées vers le cyclotourisme.
Je commence donc chez Stortini qui m'adresse à un magasin de camping qui m'envoie à une autre bicicleteria qui m'indique Miconi (plus toutes celles que j'ai croisée par hasard).
Le mercredi 3 chez Miconi. Ils ont les sacs et le porte-bagages de devant. Je rentre donc avec mon vélo pour l'installation. On commence à me regarder de travers genre "c'est quoi ce vélo de m...?"
"-En fait on ne va pas pouvoir mettre le porte-bagages sur votre bici, la fourche n'est pas bonne. Il manque un point d'attache (en effet, il faut un trou supplémentaire).
-On va bien trouver un truc.
-Non, c'est pas possible.
-Bon et ça coûte combien une fourche?
-En fait c'est une ancienne version. On n'a pas ça. Il faudrait changer le cadre."
Le pire, c'est que je crois qu'il est sérieux. Je comprends que je me suis planté de trottoir. Chez Miconi il y a dix modèles de guidons en carbone, donc on ne cherche pas des "trucs"...
Je leur laisse malgré tout des sous (grrr) en emmenant les sacoches qui me semblent de bien meilleure qualité que celles que j'ai et je repars un peu vexé et un peu déçu car cette histoire de faire passer du poids à l'avant me paraît importante.

Après une journée et une nuit de renoncement à ce changement, je me réveille le jeudi matin avec un sursaut d'orgueil : "-Nan mais! ch'uis charpentier ou p'tit rat de l'Opéra?"
Bonne nouvelle pour l'Opéra et le monde de la danse en général, la réponse à cette question est charpentier.
Je passe donc en quincaillerie acheter de la visserie et des colliers à tuyaux de plomberie. Deux coup de scie, un peu de boulonnerie, un peu de peinture pour la protection et l'esthétique et voilà mon porte-bagages de derrière devant. Une solution a 20 pesos!

Vendredi 5, dernière soirée comme je viens de récupérer la tente. Je fais la connaissance de Juan Ignacio, étudiant ingénieur, cycliste et grimpeur. Il me conseille les poignées avec support d'avant-bras pour m'économiser lorsqu'il y a du vent.

"-Vin ou biere?
-Les deux..."
Le réveil du samedi matin est un peu difficile. Juan Ignacio s'est renseigné pour moi et a trouvé les fameuses poignées d'occasion pour 50 pesos au lieu de 200 pesos neuves. Après cet ultime bricolage, il m'accompagne jusqu'a la sortie de Bahia. Il est déjà 13h mais c'est reparti!