A l'attaque! 1ère partie jusqu'à Bahia Blanca

20 janvier, veille de départ,

Voilà, après deux semaines de préparation, je devrai quitter Buenos Aires demain matin à l'aurore. Il ne me reste plus que quelques courses, finaliser le paquetage, rassembler le yin et le yang et d'autres détails du même genre et tout sera "listo" pour faire cap au sud. Tranquillement bien sûr, et je vous dirai si c'est pataphysique d'aller en Pas-trop-gonie.
Pour ce qui est de Buenos Aires, c'est une ville superbe même si je dois admettre que j'en connais surtout les bicicleterias, les magasins de camping, et que j'ai essentiellement nouer contact avec des Brésiliens. L'accueil des Argentins est extraordinaire, toujours prêts à aider et qui prennent le temps pour ça (sans vouloir faire de comparaison avec d'autres capitales). Je comprends à peu près, ils me comprennent à peu près (en portugais, "pois e"), bref on se comprend à peu près.
Pour les amateurs de détails techniques, j'ai rassemblé pour moins de 1000€ un vélo, basique mais j'espère résistant, une petite remorque monoroue, les sacs, les accessoires, des pièces de rechange et de quoi faire le minimum de réparations, une tente monoplace de haute-montagne, un duvet à -25Cº en température extrême et tout le nécessaire de camping...
Ne reste plus qu'à éprouver tout cela sur la route ventée des déserts humides de la froide Patagonie. Je me suis d'ailleurs rappeler hier en essayant le vélo pour la première fois dans la ville que je n'avais pas pédaler depuis plus de deux ans... alors j'ai programmé une première étape tranquille jusqu'à La Plata, ce qui devrait faire une belle ballade de 60 Km en zone urbaine et sub-urbaine. Un genre de bonne bouffée d'air pollué avant de mettre les deux roues dans la pam-plat (en fait j'ai trois roues... sans vouloir frimer...).
L'objectif à court terme est de pédaler une dizaine de jours jusqu'à Bahia Blanca pour la première pause. Enfin, à suivre...



21 janvier, Buenos Aires-La Plata,

Après une ultime bonne soirée tango-resto, je décide d'opter pour la stratégie "je me lève quand je me réveille". Je me gratifie donc d'une grasse matinée jusqu'à 6h du matin, boucle tranquillement en attendant le petit déj', puis aidé par Kin, Stéphanie et René je suis en selle à 10h20 sur l'Avenida 9 de Julio (la plus large du monde paraît-il).

La température dépasse rapidement les 30Cº et le parcours tient ses promesses, voitures, camions, autobus, avec concours du pire pot d'échappement.

Rapidement une pause au milieu de la zone d'activité pour échapper à la chaleur dans l'air conditionné de la cafet' d'une station service. "-De donde sos? -De Francia. -Oh que lindo! -Y hasta donde vas? -Ushuaia. -Nooo...Todo bién? -Si si...-Todo bién? -Sisi... -Todo bién?..."

Puis c'est reparti pour les 40km restants, un cycliste sportif ralentit pour me guider et j'arrive vers 16h30 en ville et un peu après chez Cecilia et Bastian que j'ai contacté par couchsurfing. Je suis rincé et je prévois donc de sécher le lendemain. Donc sortie pizza-glace avec Cecilia, Bastian, Teresa et Pablo.


22 janvier, relâche à La Plata,
La Plata est ville une ville parfaitement carrée où les rues n'ont pas de noms mais des numéros. Capitale de la Province de Buenos Aires (donc sans la capitale fédérale), elle est essentiellement administrative et étudiante.Je profite de la relâche pour faire une première mise au point : je suis trop chargé. Je donne donc la majorité de mes t-shirts en coton, renvoie en France bon nombre de documents, abandonne des livres et surtout mon marteau. Une perte sentimentale mais jesuis pas loin d'avoir économisé 4kg et du volume, surtout qu'il va désormais falloir prévoir la nourriture.
Cecilia finit un post-doc et travaille à l'université en astronomie. Elle dissèque et intérprète les différents clichés d'une même zone stellaire pris par le téléscope Gemini dans les Andes. Je n'aurai malheureusement pas le temps de visiter son lieu de travail. Bastian est Hollandais, travaillait dans l'informatique et a arrêté il y a quelques années pour voyager, en Afrique, au Canada et beaucoup en Amérique du sud. Egalement navigateur, il cherche son bateau en acier.

Soirée complète jeu de carte, bière, caïpirinha, vin, tarte au thon, gâteau au chocolat. Je n'ai plus envie de mettre le réveil.



23 janvier, Pam papapam pampa,

Grosse flemme mais je pars finalement à 12h30, la meilleure heure, en plein cagnard. Dans la rue il y a toujours du monde étonné et amusé de me voir avec mon chargement, "mucha suerte amigo" est ce que j'entends le plus souvent. A la première station où je m'arrête, le responsable me paie tout, sandwich et boisson.
Et enfin je découvre la pampa. La pampa, c'est sympa, mais c'est plat. Et la route est droite.
Je m'arrête de nouveau vers 16h30 dans le premier bourg (Brandsen) pour grignoter. Il faut que je précise que j'ai une alimentation très étudiée à base de sandwiches jambon-fromage.

Comme d'habitude, j'ai du mal à passer pour un Argentin et comme souvent accueil très enthousiaste de mon interlocuteur qui envoie le fiston chercher l'appareil photo, s'assied avec moi pour planifier mon parcours et m'indique un lieu pour camper le soir.

J'arrive au lieu indiqué 1h30 plus tard. Heureusement, l'épicier m'a prévenu "-C'est plutôt rustique". En effet, c'est un bar-épicerie tenu par une famille dans une ancienne station-service aux vitres cassées. Réception du grand-père "-On ne fait pas hôtel." Heureusement les femmes viennent à ma rescousse, "-Mais il a sa tente... installe-toi derrière".

Il était temps, le soleil se couche. Je monte donc pour la première fois ma carpa de haute-montagne monoplace et je prends la mesure de ce que signifie "monoplace". Ce n'est pas "monoplace et demi" ou "virgule deux", c'est MONOplace, même les sacs sont mal-venus. Au même moment, le lieu se transforme en enfer. Des moustiques par centaines, par milliers, comme je n'en n'ai jamais vus, même en Guadeloupe à la saison des pluies. Et comme je sens bon la sueur, je déguste. Bref, j'abrège le problème en vidant tous les sacs pour éparpiller les affaires sur tous les bords et sous le matelas (je dormirai en passant les jambes au milieu de la sacoche de vélo) et je cours pour me laver dans ce qu'il reste des sanitaires avec un filet d'eau.

Je dois renoncer à manger dehors et je me réfugie directement dans la tente.



24-26 janvier, hasta Cachari,
Départ à 10h45, il fait déjà bien chaud. Route toujours aussi droite au milieu des champs aux abords marécageux. Le courage me quitte et je décide de faire escale à San Miguel del Monte. Tous les campings sont pleins, mais j'en dégotte finalement un de l'autre côté du lac qui est l'attraction de cette petite ville. Pêche, scooter des mers et parillas (barbecue).

Le 25 je poursuis jusqu'à Las Flores où je peux camper dans un parc municipal au bord d'un étang. C'est gratuit et gardé la nuit.
Le 26,une courte étape jusqu'à Cachari où une fois encore je dors dans l'espace municipal prévu à cet effet. Ces installations sont très courantes de la part des petites et moyennes communes. Sans doute est-ce à mettre sur le compte d'un sens de l'accueil du voyageur en général. La quasi-totalité des Argentins étant des migrants plus ou moins récents, la situation d'étranger débarquant leur est familière.



27 janvier, de Cachari à Olavarria, Paysages et natures mortes,
J'ai réussi à partir avant 8h et cela change tout, mais le soleil commence à taper dés 8h30. Enfin je prévois de faire ma première journée de plus de 100 km. Ceci me laisse le temps d'apprécier le traffic de la Ruta 3, qui sera ma référence jusqu'au bout, et le paysage toujours aussi plat. Il n'est pas le seul d'ailleurs, la route est semée de natures-mortes qui se signalent par effluves régulier de charogne : serpents, rongeurs et surtout tatous que j'espère bien voir un jour en trois dimensions.


Enfin je finis par arriver à Olavarria. Là encore, un restaurateur, Thiago, fait plus de 100m pour venir me chercher et m'offrir un verre et deux tranches de matambre.


Je m'installe à la sortie de la ville derrière une station service YPF. Dans les toilettes, un panneau avec cette inscription "Ne pas jeter d'herbe dans le lavabo". Pour le maté bien sûr.



28 janvier, de Olavarria à Laprida,

Encore une étape de 110km, mais je suis en selle à 7h et le vent est favorable. J'arrive donc en début d'après-midi pour manger le plus gros sandwich jusque là, dans le centre du village.


Dans l'épicerie arrive Pablo, directeur du tourisme de Laprida qui a repéré le vélo dans la rue. Il prépare mon arrivée au balneario (il m'a également proposer de dormir chez lui), une installation avec piscine, emplacements de pique-nique et de parillas et camping.

On m'attend donc sur place. Je prépare la tente, puis m'aperçois que le pneu arrière est déchiré. Je fais une inversion le temps d'aller en ville pour en trouver un neuf, mais finalement Pablo débarque avec ses filles et m'emmène directement en voiture. Puis nous passons boire une bière à la maison. Professeur d'éducation physique en plus de sa fonction d'élu, Pablo est passionné de vélo et reçois tous les cyclistes de passage. Nous discutons politique et des ravages de la crise de 2001, puis il me ramène au camping.





29 et 30 janvier, de Laprida à Coronel Pringles, Week-end en famille,

Dans la station service où je prends un petit-déjeuner, le journal annonce la journée la plus chaude de l'année.

Curieusement, Laprida, une petite ville plutôt riche qui rassemble les produits agricoles des environs, n'est pas directement sur un axe routier. Je dois donc choisir entre remonter 30km face au vent pour retrouver la route principale ou commencer par la route de terre. Plus court.

Je choisis la deuxième option. Poussière, cailloux et très peu de passage au milieu de nulle part. 4h pour faire 35km. Finalement je rejoins la route, mais le vent tourne, du mauvais côté, et c'est parti pour une interminable fin de parcours. Les 6 L d'eau embarqués sont déjà finis, les vitesses concordent mal et le frein avant frotte sur la jante, ggrrrrr...

Enfin Cnel Pringles!

Comme d'habitude, je m'arrête à un kiosco pour grignoter. Surprise, la vendeuse de l'échoppe sait déjà presque tout de mon voyage, dont elle a eu l'information par la radio... C'est même elle qui m'annonce avec certitude où est-ce que je vais dormir, alors que moi-même n'en savais rien.

Je me dirige donc vers le balneario et croise une femme avec son bébé sur la place centrale, qui m'interpelle. Il s'agit de Ximena et Tobias. Elle m'apprend qu'elle a déjà entendu parlé de mon arrivée... Je finis par comprendre que Pablo a appelé un ami qui travaille au tourisme à Pringles avec le père de Ximena qui s'occupe également de la radio locale. Bref, après m'avoir invité à dîner, elle appelle Adrian, responsable du balneario, qui vient pour me guider et me laisse au passage l'adresse d'une bicicleteria pour mes soucis de freins et de vitesses.
J'arrive au camping, le gardien : -Bah alors? T'as eu des soucis? On t'attendait pour 17h!...

Montage de tente et je ressors manger avec Ximena, Gonzalo son fiancée et leurs amis.

Avec une telle réception, je décide de faire relâche à Pringles.

Samedi, après le déjeuner en famille avec Ximena, Gonzalo et Tobias, ballade dans la ville : 17000 habitants, avec une intéressante et curieuse prédominance d'architecture art-déco.






Un petit tour chez Barbera, le réparateur de vélo (je vais tous les connaître) et un traditionnel couplé tarte au thon-gâteau au chocolat pour finir la soirée (je feignasse pour me renouveler).





Ces moments dans la famille Martel-Chivilo sont extras. Gonzalo a travaillé dans le tourisme et maintenant en informatique ; Ximena enseigne la communication et travaille également à Pringles FM ; Tobias a bientôt deux ans et profite de la vie.











31 janvier, Pringles-Cabildo,
Ce n'est pas le tout mais il faut que j'avance vers Bahia Blanca, où je vais devoir également m'arrêter.
J'y vais comme on va au travail (en plus c'est dimanche). Dernier déjeuner avec mes amis de Pringles, dernière promenade sur la place et je me lance vers 16h, record de traînasserie. C'est que je pense m'arrêter 45km après, là où j'estime qu'il y a une station et de quoi se poser. Finalement lorsque je passe à Frapal, le nom du lieu-dit, tout paraît fermer. Il est 19h mais je décide de continuer. Je poursuis donc jusqu'à Cabildo, 35 km plus loin, au pied des reliefs de la Sierra Ventana, ce qui signifie les premières côtes. Et si c'est dur pour les jambes cela fait plaisir aux yeux.

La nuit tombe quand je suis dans le bourg. Je cherche un lieu pour me poser. Christina, propriétaire d'une petite épicerie m'indique la piscine. Un peu isolée et personne pour se signaler, je reviens sur mes pas. Christina me propose de camper dans le jardin de la famille ou d'appeler un hospedaje. Les beaux-parents me demande si je suis Basque quand il apprennent que je suis Français. Ils sont très nombreux par ici. Finalement, elle me guide jusqu'à une rôtisserie qui propose également des chambres (!). Tout confort et moins cher que le dortoir à Buenos Aires.

Je sors pour manger dans l'unique bar-resto de Cabildo qui rassemble toute les générations. Devant la place, lees jeunes ne font pas des tours de mobylette mais des tours de... cheval. Pantalon large, chemise, bracelet de cuir et béret Basque bien sûr...


1er février, attérissage à Bahia Blanca,
Dernière étape de la première partie. Un peu pénible par la fréquence et pas de banquina pour être tranquille.
J'arrive en début d'après-midi. Je suis en contact avec Juani, de couchsurfing et je vais dormir chez lui et Alexis, son coloc.
En attendant qu'ils rentrent du travail, tous deux sont chimistes en thèse, je me mets en quête de régler mes petits soucis au nombre de deux. D'une part il y a trop de poids sur l'arrière : la remorque+les sacoches du porte-bagage+moi avec un sac à dos=quand je regarde la roue, j'ai mal au boyau pour elle (même si c'est une chambre à air).
D'autre part la tente MONOplace, sensée être de hâûte-montâgne : j'y crois pas. Il manque des points pour les sardines et des haubans. Il y a à peine du vent et le toit vient toucher la première toile, autant dire que j'ai peur de prendre des douches glacées en Patagonie.
Voilà ce sera la mission Bahia Blanca...